Les principaux défis du paysage FRI d’ici 2035

May 15, 2025
from Jean-Pierre Bourguignon
#Bildungspolitik #Forschungspolitik #Innovationspolitik #french

Jean-Pierre Bourguignon décrit les trois principaux défis selon son point de vue – dans une contribution au 60e anniversaire du CSS.

Voilà trois défis que je vois dans le contexte très particulier du paysage suisse de la formation, de la recherche et de l’innovation, qui se situe déjà à un très haut niveau de qualité:

Formation

Du côté de la formation, la nécessité d’un renforcement considérable de l’implication directe et personnelle des étudiant.e.s dans les universités, et ce pour deux raisons qui se conjuguent: la première est l’impact radical que va avoir l’intelligence artificielle sur l’évaluation à distance exigeant une bien plus grande part d’interactions directes entre enseignant.e.s et enseigné.e.s; le coût en personnel enseignant sera considérable, une dimension qui ne peut être ignorée; la seconde est le besoin de mettre bien plus tôt que traditionnellement le pied à l’étrier des étudiant.e.s pour conduire, au moins en responsabilité partielle, des projets autonomes pour aborder des champs scientifiques éventuellement à côté de leur sujet principal d’étude; c’est un défi pour les institutions car cela va exiger de briser certaines des barrières existant souvent entre facultés et départements; c’est aussi un défi pour les enseignant.e.s car il doit s’accompagner de la reconnaissance de ce champ d’action des enseigné.e.s et du nouveau rôle que cela leur donne dans les institutions.

Recherche

Du côté de la recherche, il est urgent d’envisager ce que peut devenir un laboratoire dans un environnement impacté par l’intelligence artificielle et la possibilité d’automatiser un bien plus grand nombre de tâches, spécialement dans les disciplines expérimentales; pour être réussie, cette transition vers un laboratoire du futur doit être préparée en étroite collaboration avec le personnel de recherche, qu’il soit technique ou scientifique, et les nouveaux investissements qu’elle va exiger compris; une autre dimension qui doit être articulée avec la formation concerne l’importance à donner aux possibilités d’actions interdisciplinaires, de la sensibilisation à l’émergence de nouveaux projets et à leur complétude et leur exploitation; cela peut aller jusqu’à la reconnaissance plus rapide de nouvelles disciplines ne rentrant pas dans les classifications usuelles.

Innovation

Du côté de l’innovation, la Suisse est déjà dans une situation très positive par la présence d’un plus grand nombre d’investisseurs acceptant le risque en comparaison avec le reste des pays voisins ; le nouveau défi est de s’assurer que le système garantit la possibilité de carrières fluides entre le monde académique, le monde des innovateurs et aussi celui de l’industrie qui doit montrer plus d’appétit pour accueillir des scientifiques.

Mettre en place une lutte efficace contre la désinformation est un défi global pour nos sociétés car c’est un poison mortel qui peut rendre impossible d’avoir une conduite rationnelle des affaires publiques. Pour les institutions universitaires, cela va devoir passer par accepter de jouer un rôle fortement renforcé auprès de la population générale dans la production et la diffusion efficace de savoirs certifiés.

Jean-Pierre Bourguignon est un mathématicien français. Il a été professeur de l’école polytechnique, chercheur au CNRS et directeur de l’IHÉS. Parmi ses nombreuses tâches, il était président du Conseil européen de la recherche (ERC).