Le Conseil suisse de la science CSS soutient le paquet d’accords Suisse-UE

30 octobre 2025
depuis Schweizerischer Wissenschaftsrat SWR, Geschäftsstelle
#français #Wissenschaftspolitik #Forschungspolitik #Innovationspolitik #Bildungspolitik

Dans le cadre de la procédure de consultation sur le paquet «stabilisation et développement des relations Suisse-UE», le Conseil suisse de la science CSS fait part de sa position sur l’avant-projet du Conseil fédéral. Le CSS soutient sans réserve le contenu des accords liés à la formation, à la recherche et à l’innovation. Il souligne l’extrême importance pour la place scientifique suisse et pour la Suisse en général d’une stabilisation et d’un développement des relations avec l’UE.

Entre juin et octobre 2025, le Conseil fédéral a mis en consultation le contenu du paquet d’accords négociés entre la Suisse et l’Union européenne (UE) dans le cadre du développement de la voie bilatérale avec l’UE. Le CSS, en tant qu’organe consultatif du Conseil fédéral sur les questions relevant de la politique de la science, se prononce sur les éléments du paquet liés à la formation, à la recherche et à l’innovation (FRI). Ces éléments sont décrits en détail dans la section suivante.

Dans sa prise de position, le CSS développe les aspects suivants:

  • Des relations stables avec l’UE, son partenaire économique le plus important, sont indispensables pour assurer la prospérité de la Suisse. Les accords avec l’UE apportent aux acteurs suisses de la recherche et de l’innovation, publics comme privés, une sécurité de planification et un cadre fiable sur le long-terme.

  • Une association aux programmes scientifiques de l’UE est indispensable pour assurer la compétitivité internationale de la Suisse. Les scientifiques basés en Suisse, en particulier les jeunes scientifiques, doivent avoir accès aux plus grands programmes de recherche et d’innovation et à la mise en réseau que ceux-ci permettent. Il est également important qu’ils soient confrontés à la compétition européenne, car elle les incite à viser l’excellence.

  • Les programmes scientifiques de l’UE sont complémentaires aux instruments du système FRI suisse. Sans association, des lacunes apparaîtront dans la chaîne de création de valeur de la formation, de la recherche et de l’innovation.

  • La Suisse tirera de nombreux bénéfices d’une association aux programmes de l’UE, notamment un accès à certains domaines stratégiques de la recherche et de l’innovation, la possibilité de développer les échanges internationaux dans tous les domaines de la formation, une réduction de la charge administrative engendrée par les mesures transitoires, et une plus grande influence grâce à sa participation dans des comités liés aux programmes scientifiques.

  • La libre circulation des personnes permet non seulement de recruter des talents internationaux, mais également aux Suisses et aux Suissesses d’aller se perfectionner à l’étranger.

  • Dans un contexte mondial marqué par des tensions politiques croissantes et des défis globaux, les accords du paquet Suisse-UE liés à l’espace et à la santé permettront à la Suisse de renforcer ses capacités de résilience dans le domaine de la sécurité et de la gestion des crises.

La prise de position du CSS se trouve ici: prise de position.

Éléments du paquet d’accords Suisse-UE liés au domaine FRI

Aperçu des accords contenus dans le paquet Suisse-UE. Les accords entourés en noir sont ceux qui ont un lien avec les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation. Modifié à partir d’une figure du DFAE, disponible sur la page Web «Le paquet Suisse-UE».

 

Les informations ci-dessous sont issues du rapport explicatif du Conseil fédéral publié dans le cadre de la procédure de consultation sur le paquet Suisse-UE, ainsi que des informations complémentaires mises à disposition par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur une page Web dédiée à la consultation.

1)    Programmes de l’UE

L’accord sur les programmes de l’UE (European Union Programmes Agreement, EUPA) règle la participation de la Suisse à une série de programmes européens de formation, de recherche et d’innovation. Par souci de clarté, dans sa prise de position, le CSS se réfère à ces programmes sous le nom de «programmes scientifiques de l’UE», tandis que le Conseil fédéral parle simplement de «programmes de l’UE».

L’EUPA est composé d’une partie générale et de trois protocoles en annexe.

Partie générale de l’EUPA. La partie générale contient les dispositions applicables à la participation de la Suisse à tous les programmes de l’UE auxquels elle décide de s’associer et est valable pour une durée indéterminée. Elle définit notamment les aspects financiers. Elle mentionne la volonté commune d’une participation plus systématique de la Suisse aux programmes de l’UE.

Protocoles en annexe. Les trois protocoles en annexe fixent les dispositions spécifiques à l’association de la Suisse aux différents programmes. La durée de ces protocoles est limitée à la durée des programmes en question, ce qui signifie que ces protocoles doivent être renégociés pour chaque génération de programmes (comme cela était déjà le cas par le passé).

Programmes auxquels la Suisse sera associée. Le premier protocole règle la participation de la Suisse aux programmes Horizon Europe, Euratom, Digital Europe et Erasmus+. Le deuxième protocole a trait à la participation au réacteur thermonucléaire expérimental international ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Le troisième protocole couvre le programme EU4Health. Les détails du programme EU4Health sont réglés dans l’accord sur la santé.

Association à titre provisoire. Le Conseil fédéral prévoit de signer l’EUPA d’ici au 15 novembre 2025, afin de permettre une association de la Suisse à titre provisoire, avec effet rétroactif au 1er janvier 2025, pour les programmes Horizon Europe, Euratom et Digital Europe. La Suisse versera alors sa contribution obligatoire à l’UE au titre de sa participation à l’année de programme 2025. En cas d’évaluation positive d’un projet, la Commission européenne financera les coûts du projet. L’association à ITER est prévue dès le 1er janvier 2026, tandis que l’association au programme Erasmus+ devrait débuter au 1er janvier 2027. Le début de la participation au programme EU4Health dépend de la date de conclusion de l’accord sur la santé.

En cas de rejet de l’EUPA. Si l’EUPA devait être rejeté par le Parlement ou le peuple dans le cadre du paquet Suisse-UE, le Conseil fédéral devrait notifier à l’UE la fin de l’association provisoire de la Suisse aux programmes mentionnés ci-dessus. Le Conseil fédéral veillerait dans ce cas à garantir une sortie ordonnée, en tenant compte de la situation des requérants ayant déjà déposé une demande ou obtenu des contributions auprès de l’UE.

Durée de validité. Le protocole ITER reste valable jusqu’à la clôture des activités du programme, actuellement prévue en 2042. Les autres protocoles ont une durée de validité limitée à fin 2027 et devront faire l’objet d’une nouvelle négociation en vue de la prochaine génération de programmes (2028-2034). À chaque nouvelle génération de programmes, la Suisse pourra déterminer les programmes auxquels elle entend continuer de participer et ceux qu’elle souhaite rejoindre parmi les programmes ouverts à la participation de pays tiers. Les moyens financiers correspondants seront demandés au Parlement.

Accès de la Suisse aux programmes. Les programmes Digital Europe, ITER et les appels à projets d’Horizon Europe dans les domaines considérés comme stratégiques par l’UE ne sont en principe pas ouverts aux pays tiers non associés. La participation de la Suisse à ITER est suspendue depuis 2021. Jusqu’en 2025, la Suisse n’avait pas non plus accès aux appels à projets du programme Digital Europe et des domaines stratégiques d’Horizon Europe. Cependant, à la suite de la conclusion matérielle des négociations sur la participation aux programmes de l’UE, la Commission européenne a donné en avril 2025 accès à la Suisse à Digital Europe et aux domaines stratégiques d’Horizon Europe (intelligence artificielle, technologies quantiques, technologies de communication et de réseau, et une partie des appels d’offres liés au domaine spatial). Il existe cependant des exceptions à cet accès: les appels d’offres de Digital Europe liés à la cybersécurité et aux semi-conducteurs ne sont pas accessibles à la Suisse, car ceux-ci sont réservés aux États-membres de l’UE.

Précédents travaux du CSS. Le CSS s’est exprimé en faveur de l’association de la Suisse au programme Horizon Europe dans une lettre ouverte (2021), dans sa prise de position sur la loi sur le fonds Horizon (2023) et dans sa prise de position sur le message FRI 2025-2028 (2023). Elle a également publié en 2020 un white paper sur les technologies quantiques en Suisse, dans lequel elle traitait des conséquences de l’exclusion de la Suisse de la recherche quantique de l’UE.

2)    Coopération sanitaire et la surveillance épidémiologique

L’accord bilatéral sur la santé prévoit la participation de la Suisse à des initiatives de coopération sanitaire et de surveillance épidémiologique. Il s’agit des mécanismes européens de gestion des menaces transfrontières graves pour la santé (tels que le système d’alerte précoce et de réaction [SAPR] et le Comité de sécurité sanitaire) ; du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC); et du programme pluriannuel de l’UE pour la santé EU4Health. Une collaboration étroite entre la Suisse et l’UE n’a jusqu’à présent pu avoir lieu que dans certains cas, en situation de crise, comme lors de la pandémie de COVID-19. La Suisse ne participera qu’à la partie du programme EU4Health qui est en lien avec le champ d’application de l’accord sur la santé, soit le domaine «préparation aux crises».

L’accord sur la santé accroît la capacité d’alerte précoce et de réaction des autorités suisses en cas d’épidémies ou de menaces transfrontières graves pour la santé, et permet une meilleure protection de la population suisse. Les autorités suisses pourront par exemple accéder rapidement à toutes les informations requises sur la propagation de nouveaux variants de virus dans un pays voisin et profiter de l’expérience et des connaissances d’autres pays concernant les différentes stratégies de dépistage. Une coopération de ce type renforce l’échange de connaissances et permet entre autres à la Suisse de participer à des études menées dans toute l’Europe, ainsi que d’échanger et de comparer des données et des résultats au niveau européen, par exemple en matière de résistance aux antibiotiques.

Le CSS a publié un rapport sur le conseil scientifique dans le champ politique en temps de crise (2022), un rapport sur l’acceptation des mesures de crise par la population (2022), ainsi qu’une prise de position sur l’organisation de crise de l’administration fédérale (2024).

3)    Taxes d’études non-discriminatoires

Dans le cadre de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), la Suisse et l’UE s’engagent à appliquer le principe de non-discrimination aux taxes d’études universitaires. Cela signifie que les ressortissants de l’UE qui désirent étudier dans une haute école universitaire ou spécialisée financée majoritairement par des fonds publics seront soumis aux mêmes taxes d’études que les Suisses. De la même manière, les étudiants suisses paieront désormais les mêmes taxes d'études que les étudiants européens dans toutes les universités européennes publiques. Cette disposition n’implique pas pour les hautes écoles suisses une obligation d’adapter leur système d’admission, ce qui signifie que les restrictions déjà prévues par certaines hautes écoles (p. ex. l’Université de Saint-Gall ou l’EPFL) peuvent être maintenues. Cette disposition ne s’applique pas aux hautes écoles pédagogiques (HEP), aux établissements de la formation professionnelle (p. ex. les écoles supérieures) ou aux hautes écoles financées en majorité par des fonds privés (p. ex. l’École hôtelière de Lausanne [EHL]), même si celles-ci sont rattachées à une HEU ou à une HES financée en majorité par des fonds publics.

Le CSS a publié en 2018 un rapport sur la sélectivité sociale et s’est exprimé sur le sujet des hausses des taxes d’études pour les étudiants étrangers dans sa prise de position sur le programme d’allégement budgétaire 2027. Pour le CSS, l’accès aux études dans les hautes écoles ne devrait pas être déterminé par la situation socioéconomique des jeunes et le principe d’égalité des chances doit toujours être pris en compte.

4)    Programme spatial

L’accord sur la participation de la Suisse à l’Agence de l’UE pour le programme spatial (European Union Agency for the Space Programme, EUSPA) complète un accord de coopération relatif aux programmes européens de navigation (accord de coopération GNSS), en application depuis 2014. L’objectif de cet accord est de garantir la participation de la Suisse à l’EUSPA.

L’EUSPA est l’agence opérationnelle pour l’ensemble des composantes du programme spatial de l’UE. Ce programme spatial doit permettre à l’Europe de conserver son indépendance vis-à-vis des systèmes américain, russe et chinois. L’EUSPA opère notamment deux importants programmes liés à la navigation spatiale: le système européen autonome de navigation par satellite Galileo et le système européen de navigation par recouvrement géostationnaire EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay Service).

Galileo est un système mondial de navigation par satellite (Global Navigation Satellite System, GNSS) conçu comme une alternative civile et indépendante aux GNSS militaires des États-Unis (Global Positioning System, GPS), de la Russie (GLONASS) et de la Chine (Beidou). Composé d’un ensemble de satellites et d’un réseau mondial de stations terrestres, il fournit des services de géolocalisation depuis 2016. Galileo inclut un service public réglementé (Public Regulated Service, PRS) hautement sécurisé, ouvert uniquement à des utilisateurs bénéficiant d’une autorisation étatique et donc particulièrement utile aux autorités ou organisations ayant des exigences élevées en matière de sécurité (p. ex. services d’urgence, services de renseignement, armée et autorité chargée de la protection des frontières). Le PRS est entièrement crypté et suffisamment robuste pour garantir la continuité du service en cas d’urgence ou de situation de crise au niveau national. L’UE ne donne accès au PRS qu’aux pays qui participent à l’EUSPA. En signant l’accord EUSPA, la Suisse aura donc la possibilité d’accéder au PRS de Galileo, mais les détails de cet accès devront être réglés dans un accord complémentaire.

EGNOS est un système régional de navigation par satellite à usage civil, composé de plusieurs satellites géostationnaires et d’un réseau de stations terrestres localisées en Europe et en Afrique du Nord. Depuis sa mise en service en 2011, il améliore la précision et la fiabilité des signaux satellites du GPS américain; il en fera de même ultérieurement avec ceux du système européen Galileo.  

Dans le cadre de l’accord de coopération GNSS, la Suisse participe déjà à bon nombre des tâches déléguées à l’EUSPA, sans toutefois avoir accès à des informations importantes concernant le fonctionnement opérationnel et le développement des composantes du programme spatial de l’UE. L’accord EUSPA vise à combler cette lacune. Il autorise la Suisse à prendre part aux activités de l’agence liées aux composantes du programme pour lesquelles un accord de coopération a été conclu (EGNOS et Galileo). Il prévoit un droit d’accès au conseil d’administration et au conseil d’homologation de sécurité (mais sans droit de vote, ce dernier étant réservé aux États membres de l’UE). L’accord EUSPA et celui relatif à l’accès au PRS, qui devra être négocié par la suite, permettent de parachever la participation de la Suisse aux programmes en question.

En août 2024, le CSS a publié sur son blog un article d’opinion (en allemand) du Prof. Jan Dirk Wegner sur les conséquences du retrait de la Suisse du programme Copernicus, le programme d’observation de la Terre, qui fait partie du programme spatial de l’UE. En 2024, la Suisse a renoncé à une participation à Copernicus jusqu’en 2027 au moins.